Le billet qui suit a été écrit le soir où Mr Hollande s’est prononcé devant le Congrès !

Je n’ai pas voulu le publier parce que nous étions trop près des Régionales avec le danger du vote pour l’extrême droite qui s’annonçait .

Je le publie aujourd’hui et n’y change rien compte tenu que tous les faits qui se sont produits depuis confortent en quelque sorte les idées que j’y développais alors et que j'avais intitulé :

Douleur oui ! Essentiellement ! Colère aussi ! Tout aussi essentiel !

 Et qui poursuivait :

Mais que pourra-t-on réussir si, puisque Mr Valls s’y refuse, on ne veut pas regarder en face, le terreau que nous avons laissé créer depuis des décennies et qui a conduit à la perdition de nos jeunes (oui nos jeunes car tous sont français qu’on le veuille ou non ) qui se sont laissés aveugler par ceux qui leur laissaient penser qu’avec eux « ils deviendraient quelqu’un de reconnu » ce à quoi ils aspireraient jusque là, mais qu’ils attendaient de nous, leur pays, la France .

 

Tous nos politiques divers ne peuvent pas nous aveugler à nous. Ils avaient depuis des décennies dans tout le monde de la musique qu’aiment et que font nos jeunes les appels à l’aide sous forme de révolte.

 

Alors que Monsieur CHIRAC se permettait de dire que leurs quartiers de banlieue « puent », dans les années 1995, au moment de la révolte, voici ce qu’ils écrivaient et chantaient :

 

NTM en 1995 :

Qu’es-ce qu’on attend ? Dorénavant la rue ne pardonne plus/Nous n’avons rien à perdre car nous n’avons jamais rien eu/A votre place je ne dormirai pas tranquille/La bourgeoisie peut trembler, les cailleras sont dans la ville/Pas pour faire la fête. Qu’est-ce qu’on attend pour foutre le feu/Allons à l’Elysée, brûler les vieux et les vieilles, faut bien qu’un jour ils payent.

 

A ce temps là ils mettaient leurs paroles de désenchantement et de ressenti de l’injustice sociale dans leur musique. Les habitants des quartiers se retrouvent dans les paroles. Pas les politiques, d’où des procès qui ne régleront rien sinon aggraver leur mal être et leur idée qu’on les met bien en marge de la société.

 

En 1999, la police ne parvient pas  à freiner l’ envie de révolution des rappeurs. Le groupe 113 sort son premier album « les princes de la ville » un tourbillon : disque de platine, 2 victoires de la musique. L’un des membres du groupe dit : « c’était compliqué à gérer mais on était dans notre rôle. On parlait pour nos potes, ceux qui restent dans le hall, les sans-voix - ou les sans-dents ? - . On avait la chance d’être médiatisé, donc on pouvait parler des bavures policières, de la violence. Il ajoute, « c’est toujours pareil : plus tu parles fort, plus on t ‘écoute. On n’était pas des révolutionnaires de studio, mais des hauts-parleurs ».On peut lire dans un des textes de 1999 : «  A la moindre occasion, dès qu’tu l’peux, faut les baiser/ils veulent stopper les pauvres qui prennent l’oseille des plus aisés/L’honneur est en jeu, prend tes couilles, faut pas hésiter/On est d’mauvaise humeur. »

 

En 2005, Sarkozy en matamore qu’il se prétend être veut nettoyer au Karcher les quartiers. Le soulèvement arrive en octobre avec la mort de Zyed et Bouna qui aboutira au non lieu, cette année 2015, 10 ans après, pour les policiers qui ne leur ont pas porté assistance.

 

Les rappeurs ont été des lanceurs d’alerte. La grogne était disponible depuis des années, des décennies, chez tous les disquaires. Par exemple en 1998 le leader du groupe IDEAL J, pose sa voix mélancolique sur une bande son et popularise le ghetto français. Un morceau qui traverse les années sans une ride. Il débute ainsi : « Viens vivre au milieu d’une cité/Viens vivre au milieu d’un ghetto français/Immeubles délabrés ou soit-disant rénovés/Les choses ne changent pas, la tension est toujours là/On modifie la forme mais dans le fond, quels sont les résultats ?/Les halls sont toujours remplis de dealers de teu-shi/Les rues de scooters volés et de mauvais esprits/La nuit, si la plupart des jeunes tournent mal/C’est qu’ils ne savent plus la différence entre le bien et le mal/Principale cause s’impose la misère/Suivie de près, sinon devancée par le poids d’un échec scolaire. ».

 

Qu’avons-nous entendu de cette ghettoïsation ?

On a fait de la rénovation urbaine, mais on n’a pas voulu voir que ce n’était pas cela l’essentiel : l’essentiel c’était l’école, le boulot, les services publics présents dans les quartiers, les services de transport publics aujourd’hui toujours absents,  qui soulignaient encore plus la perception de ghettoïsation.

 

Puis est venue la politique ultra libérale et la politique néfaste de SARKOZY sur les idées que ne renierait pas l’extrême droite : identité française, rejet de l’immigré, idée de sécurité qui en fait devenait une ségrégation entre « ceux d’en haut et ceux d’en bas ».Au milieu de tout ça, l’idée que les « fonctionnaires » étaient un « poids » pour le budget de la France, on a supprimé à tout va, gendarmes, îlotiers, instituteurs et professeurs, militaires, douaniers, etc…autant de moyens qui étaient enlevés à ces quartiers de banlieue qui se retrouvaient ainsi encore plus ghettoïsés  Les politiques de discrimination ont continué de plus belle, dans le loisir, dans l’emploi. De même on a continué à exacerber le port du voile, etc ..Les politiques d’emploi par les zones franches qui visaient soit-disant l’emploi des habitants des quartiers de ces banlieues déshéritées et qui en fait n’ont pas donné la priorité aux habitants de ces quartiers. On a donc donné sans compter aux entreprises sans exiger d’elles un résultat sur le but soit-disant visé.

 

Et en face de cet échec, socio-économique, politique éducative menant à l’emploi, on a laissé introduire et prospérer une économie souterraine à base de drogue alimentée par le fric, de la corruption générant la violence et la profusion des armes. Cette économie souterraine « arrangeait » nos gouvernants car elle était un palliatif au manque de revenus des familles de ces quartiers.

 

Puis le temps de la campagne de 2012 est arrivé. Et les promesses du candidat de gauche, nous y avons cru, ils y ont cru et voté en masse ; sur l’arrêt du contrôle au faciès, sur le vote aux élections locales des immigrés. Mr VALLS n’en a pas voulu et Mr HOLLANDE a abdiqué en trahissant ainsi ses électeurs,  et ces jeunes des quartiers qui pourtant nombreux lui avaient donné leurs voix.

 

Qui sont ces immigrés  qui n’ont toujours pas le droit de voter. Ce sont ceux qui sont morts pour notre pays, pour qu’il retrouve la liberté que le nazisme fasciste, avec la complicité de la droite ultra  appelée aussi pétainiste, avaient confisquée, qui nous ont aidé à redresser notre France au sortir de la Guerre : ils sont aussi les Marocains, les Algériens, les Africains de nos colonies qu’on a été chercher par cars entiers pour les faire travailler dans les mines, dans les usines de voitures, dans le bâtiment, dans les travaux les plus durs , ceux dont nous ne voulions pas pour nos enfants ou nous-mêmes. Quand l’indépendance de ces pays a eu lieu à partir des années 1950, ils ont voulu garder leur nationalité d’origine, tout en continuant à travailler sur notre sol. Ce sont ceux-là qui vivent encore ici (parce que s’ils retournent dans leurs pays, ils ne toucheront pas leur droit à la retraite qu’ils ont acquis par leur travail pour la France) qui ne peuvent toujours pas voter. Alors que des Hollandais, des Anglais établis ici pour des raisons toutes autres, et depuis moins longtemps peuvent et se présenter et voter aux élections locales.

 

C’est le refus des gouvernements successifs de leur accorder d’être les citoyens dans nos cités à eux qui ont versé sang et sueur pour le pays que l’on continue à perpétuer , que leurs enfants et petits enfants qui sont bel et bien français, vous entendez français, ne comprennent pas, ne comprennent plus, alors que eux, les enfants, peuvent voter pleinement  !

 

Ce soir on connaît la réponse du gouvernement et du Président de la République à ces attentats horribles.

On ne regarde pas en arrière, on se refuse à analyser ce qui a pu y conduire, ce qui permettrait de changer  le logiciel !

On va au plus spectaculaire et au plus dangereux pour la République et la démocratie !

 

On parle d’embauches de milliers de policiers, de militaires, de gendarmes, de douaniers ; mais des professeurs, des instituteurs, des financements des associations dont le travail dans ces quartiers donnent des résultats pour « récupérer » notre jeunesse, point !

 

On ne dit pas comment faire disparaître le terreau qui conduit ces jeunes à se laisser embobiner pour, par ces actions d’une violence inouïe, « devenir » quelqu’un en mourant « en martyr » pour « la cause » que des fanatiques ont su leur faire épouser.

 

On ne dit pas comment on va pouvoir agir sur « internet » pour mettre fin à la « banalisation », à la « popularisation » du fanatisme et à « l’embrigadement » de nos jeunes !

 

Le Président de la République et son premier ministre, en décrétant l’Etat d’urgence, se rendent-ils comptent qu’ils donnent raison à ces fanatiques extérieurs, et importent eux-mêmes sur notre sol,  ce que ces fanatiques cherchent : la division, l’abandon de l’Etat de droit, la renoncement à la démocratie et un sérieux coup de canif à la République.

 

Se sont-ils posé la question de savoir, ce que signifiait, par rapport à nos valeurs fondamentales, l’évocation d’introduire dans la Constitution et l’Etat d’urgence et la déchéance de nationalité ! Nous sommes à la veille des élections régionales où le parti d’extrême droite aura le vent en poupe, ceci à quelques mois des Présidentielles ! Se rendent-ils compte du danger que vont représenter ces mesures, si elles étaient réellement introduites dans la Constitution,  pour notre République et la démocratie ! Se sont-ils posé la question de savoir comment les millions de Français qui viennent de pays que nous avons colonisés, vont « encaisser » les mesures annoncées ? Ont-ils réfléchi à l’efficacité de ces mesures sur le vrai problème de notre société ? Ne faut-il pas voir dans ces mesures, un gouvernement aux abois, qui ne sait plus comment faire face à ce gros problème, ni comment répondre aux attentes de la société toute entière, qui à travers le vote populiste, à travers les nombreuses contestations montrent à nos gouvernants leur échec et leur rejet ? Ne faut-il pas voir dans ces mesures, un moyen supplémentaire, après les deux lois ultra-sécuritaires de fin 2014 et mi 2015, de se donner tous les moyens de museler, par des décisions les plus liberticides,  l’expression du mécontentement de la société toute entière ?

 

Tout ce que présente le Président de la République et Monsieur Valls, l’initiateur, ne fera pas revenir nos morts, et n’empêchera pas d’autres morts, parce qu’en fait ce n’est pas « notre sécurité » qui est recherchée, mais l’assurance qu’ils vont eux, pouvoir durer au gouvernement ! C’est en tout cas l’analyse que j’en fais, aujourd’hui jour où Mr Hollande vient de s’exprimer devant le Congrès, accompagné de tout son gouvernement !

Cette expression d’ailleurs est une violation fondamentale de ce qu’est la République et la Démocratie !

Le Président et son gouvernement représentent l’exécutif.

Le Congrès, réunion du Sénat et de la Chambre des Députés, représente le législatif.
L’exécutif et le législatif, en République, sont des pouvoirs séparés.
En démocratie, le législatif (la voix du peuple) prime sur l’exécutif.

A l’origine la Constitution de la Vème République interdisait la prise de parole du Président de la République, garant des institutions, devant le législatif.  Mr Sarkozy y a dérogé à cette donnée fondamentale de la Constitution , en introduisant cette possibilité pour le Président de la République de s’adresser au Congrès ; ce que Mr Hollande, alors député, avait rejeté.

 

Un Président de la République qui vient devant le législatif demander des pouvoirs supplémentaires pour l’exécutif, ça s’appelle comment ? Un peu moins de démocratie (voie du peuple), une République abîmée ! (Ca pourrait aussi s’apparenter à un coup d’état !) Y ont-il réfléchi ! Si oui, leur démarche est d’autant plus grave.

 

Soyez assurés, qu’après vous avoir livré ce qui me pose beaucoup de questions dans les décisions gouvernementales prises et annoncées ces jours-ci et qui sont appelées à durer, cela ne me fait pas oublier, perdre de vue, que rien ne justifie la barbarie !

 

Mais rien non plus ne justifie l’effacement de notre trilogie fondamentale : liberté, égalité, fraternité !