A propos de la règle d'or hochet du président sortant, voici la seule réponse qui vaille !

Tribune parue dans Le Figaro du lundi 22 août 2011


L’Unité nationale, oui,
mais pour un changement juste et efficace



Monsieur le premier ministre, vous n’avez pas tort lorsque vous écrivez que nous avons une responsabilité majeure, nous responsables politiques, de tous bords, pour sortir la France de la crise.


Vous le savez aussi, les Français sont inquiets et ne croient plus aux discours politiques. Ils voient aussi se creuser les inégalités alors que les dégâts d’une mondialisation anarchique pèsent toujours sur les mêmes, et notamment sur les salariés qui perdent leur emploi.

Je suis certaine que vous partagez l’idée que, pour justifier une unité nationale aux yeux des Français, il faut que la décision qu’elle porte soit efficace et honnête. Est-ce efficace d’inscrire dans la Constitution l’objectif de maîtriser le déficit public sans dire aux Français qui va payer ? Pouvez-vous nous dire quelle sera la sanction au non-respect de cette règle ?

L’engagement de limiter le déficit à 3 % du PIB en 2013 a été de toute façon pris dans un sommet passé. Alors pourquoi ferait-on croire aux Français qu’il s’agit là d’un engagement nouveau ? Est-ce honnête d’attendre la fin du quinquennat pour poser les règles d’une gestion des dépenses publiques ?

Si oui, pouvez-vous affirmer que, si cette règle de la maîtrise du déficit avait été posée en 2007, vous auriez pu engager les dépenses suivantes : bouclier fiscal, allègement de l’ISF, exonération des heures supplémentaires, création de niches fiscales et sociales ?

Chaque année, les seuls allègements fiscaux ont coûté aux Français 10 milliards d’euros et le déficit public a doublé en quatre ans. A cette question s’ajoute celle des réformes qui n’ont pas été faites et qui pourraient utilement contribuer au redressement de nos comptes : la lutte contre la fraude fiscale, évaluée à quarante milliards d’euros, l’équité fiscale entre les entreprises du CAC 40, qui ne payent pas plus que 8 % d’impôts en moyenne, et les PME qui en paient plus de 30 % alors qu’elles ont créé 80 % des emplois. Il ne serait donc guère honnête, de la part de l'opposition, de faire croire aux Français, en votant cette barrière de papier, que tout est rentré dans l'ordre.

Car un ordre injuste fait rage, alimenté par la voracité du marché financier que rien n'arrête. Vous savez bien que, tant que cette spéculation sauvage aura libre cours, il sera impossible de régler le problème des déficits et de la dette.

Alors que les placements financiers recherchent  des rendements à deux chiffres, la croissance est au point mort. Qui paie la différence ? La fuite en avant vers « toujours moins » de services publics, de salaires, de retraite, de santé, d'école est sans issue, si ce n'est la révolte des peuples qui n'acceptent plus l'inertie des gouvernants pour que les banques, au lieu de commander, soient contraintes d'obéir enfin à des règles qui les mettent au service de l'économie réelle, juste contrepartie de la gestion des dépôts des citoyens et des entreprises.

Au moment de la crise de 2008, j'avais dit qu'en contrepartie de l'aide des Etats aux banques, il fallait entrer au capital, imposer des règles prudentielles, imposer comme en Amérique latine un quota obligatoire d'utilisation des dépôts pour financer l'activité économique.

Ce n'est pas seulement une crise financière que nous devons juguler, c'est une crise de civilisation. Saisissons l'occasion de ce moment historique pour redéfinir les règles du jeu.

L'unité nationale peut se faire lorsque l'histoire nous appelle à nous engager sur un nouveau chemin comme l'a fait le Conseil National de la Résistance allant des communistes, aux gaullistes sociaux. C'est un projet de civilisation qui, à ce moment là, a été défini. Vous conviendrez que l'article budgétaire que vous voulez inscrire dans la Constitution est loin de cette ambition. Un débat loyal avec l'opposition aurait pu le permettre, mais durant ce quinquennat, à aucun moment les démocraties sociale, parlementaire et citoyenne n'auront été conviées à la définition de notre avenir commun.

En conséquence, remettons-nous au travail. Je vous propose, en complément de votre « règle d'or », les règles d'un ordre social juste pour mettre fin aux désordres injustes : désordres des banques qui dictent leur loi aux Etats et aux peuples, désordre des spéculateurs qui vampirisent la création de richesse par le travail.

Chacun le sait, le moment politique est grave. En 2008, nous sommes passés au bord du gouffre. En 2011 cela recommence, car même la moralisation promise concernant la rémunération des tradeurs n'a pas été faite.

L'occasion est unique pour la responsabilité politique de reprendre ses droits sur le système financier et de tout faire pour relancer l'activité économique.

Je vous propose, Monsieur le premier ministre, pour faire un pas vers la convergence que vous souhaitez, d'ajouter à votre « règle d'or » les règles suivantes. La règle de diamant : que le principe de justice fiscale soit aussi inscrit dans la Constitution. La règle d'argent : que l'égalité fiscale soit faite entre les entreprises du CAC 40 et les PME. La règle de fer : que soient interdites les stock-options et les surrémunérations des tradeurs. La règle d'airain : que soit interdite la spéculation sur la dette des Etats et sur les assurances qui vont avec.

Ajoutons la règle du respect : que les valeurs humaines l'emportent sur les valeurs financières et que chacun puisse vivre dignement de son salaire et de sa retraite. Enfin, la règle de bon sens : qu'un euro dépensé soit un euro utile et que toute dépense nouvelle soit gagée par une économie. Et la règle de croissance : que soit créée une banque publique de financement des PME et des stratégies industrielles capable de créer des emplois et d'augmenter les salaires.

On nous dit que rien n'est possible au niveau national ? Moi, je vous dis qu'il faut bien des pionniers pour avancer et pour entraîner. Ce n'est pas la première fois que la France montrerait le chemin. Elle le doit aux peuples indignés ou résignés. Elle reprendrait le flambeau, celui de ce grand pays, la France, qui a donné au monde les principes révolutionnaires de l'émancipation des peuples et de leur bien-être.

D'accord ?


Ségolène Royal

 

 

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