« la loi travail est « le minimum de ce qu’il faut faire… » a averti Mr Junker, Président de la Commission Européenne. Et Valls sait ce qui se joue, c’est le devenir du  mémorandum soft que doivent mener à bien les autorités françaises dans le cadre de l’ajustement structurel accepté à Bruxelles.

 

La question qui doit tarauder Mr Valls doit être celle-ci : quand bascule-t-on dans les poubelles de l’histoire ?

 

Après s’être fracassé sur la déchéance de nationalité, il est aujourd’hui marginalisé sur la question de la loi travail. Il craint que la victoire des mouvements sociaux signerait sinon sa mort politique avec celle du Président au moins à minima de longues années de purgatoire.

 

Le problème est que l’alternative, tenir, est un désastre pour le pays en ce sens qu’il s’incarne par une fin de règne lamentable, préoccupant, et inéluctable.

 

La posture du passage en force tourne désormais au jeu de massacre, en premier lieu au sein du parti socialiste ; à l’Assemblée, au gouvernement, la majorité s’effiloche. Dans l’opinion la messe est dite : le gouvernement doit retirer sa loi, et c’est lui qui porte la responsabilité de l’escalade de la tension. Le mouvement est populaire, et on comprend bien pourquoi ; en effet nous ne pouvons pas accepter que disparaissent, pour nos enfants, ces années de marche en avant pour le progrès social dont nous avons bénéficié ! Simple question d’estime de soi, d’honneur vis à vis de nos enfants, de protection aussi que nous leur devons !

 

La convergence des luttes que les nuits debout ont appelé se réalise en partie, le front syndical est solide et renforcé (en effet la CGC vient de se désolidariser de la CFDT et rejoint le front de lutte).

 

Président et Premier ministre restent droit dans leurs bottes, et comptent sur la fête sportive pour faire passer la pilule ; à n’importe quel prix ? On verra.

 

En situation de crise les classes dirigeantes font bloc. Patronat et dirigeants des grands média télévisuels exigent la fermeté. Face à la détermination du mouvement, le pouvoir à la légitimité chancelante en est réduit à la coercition et suspend les normes usuelles de la démocratie représentative : non content d’user du 49-3 pour court-circuiter le débat démocratique au parlement, il recourt au chantage aux investitures pour éviter la censure par ses propres députés ( comme si le citoyen ne saura pas en 2017 trier le bon grain de l’ivraie entre ceux des représentants qui n’auront pas eu le courage de sanctionner une politique néfaste à leurs électeurs et ceux qui auront préférer faire du suivisme, à minima !), et détourne les procédures de l’état d’urgence à l’encontre des manifestants. Dans la rue, les arrestations et les blessures se multiplient. Dans les médias la surenchère verbale fait des syndicalistes au mieux des « voyous » au pire « des terroristes ». Jusqu’où cela peut-il aller ?

 

Valls est un admirateur de Clemenceau ; comprenez.

Clemenceau, le tigre, qualifié de «  briseur de grèves» (dixit J Julliard), dirigeant radical, s’appuya sur la droite pour mater les conflits sociaux dans le sang au début du 20ème siècle. Provocations policières, arrestations massives de syndicalistes, tirs sur les manifestants et même feu à bout portant dans un local de réunion. Au nom de l’ordre et de la liberté du travail celui que l’on appelle le tigre ne recule devant rien pour atteindre son objectif : défaire le syndicalisme révolutionnaire alors dominant à la CGT.

 

Dans le cadre de l’ajustement structurel demandé par l’Europe et que aucun média ne rappelle, le mouvement actuel est la réfraction du grand conflit social qui secoue l’Europe depuis le début de la décennie, et se prolonge, en ce moment même, en Belgique. Et les média ne parlent pas des messages de soutien au mouvement actuel en provenance de tous les syndicats européens qui demandent aux militants français de « tenir » pour pouvoir reprendre la main ensuite au niveau européen : Allemagne 16 millions de travailleurs pauvres, Angleterre, 12 millions de travailleurs pauvres ; eh oui voilà où en sont les pays qu’on veut nous donner en exemple !

 

Idéologiquement le socio--libéralisme est mort ; l’idée qu’il soit possible en même temps de libéraliser les économies et d’offrir de meilleures conditions de vies et une société ouverte et démocratique à la population est partie en fumée à la vitesse grand V, si tant est que cela ne fut pas une illusion entretenue, avec la crise.

 

Du Pasok grec, aux amis de Tony Blair ou Shröder en perte de vitesse, le phénomène concerne maintenant Hilary Clinton.

 

Le projet qu’affronte le mouvement social est autre : rejeton d’une grande crise du capitalisme (crise en ce sens qu’il est entrain de réinventer les moyens de prospérer encore davantage au mépris de toute la classe des travailleurs devenant esclaves), c’est un autoritarisme néo-libéral.

Pour baisser le coût du travail, la classe dirigeante commande aux politiques de priver de toutes les protections sociales des salariés chèrement acquises, conquises, dans le sang. Et comme nous ne voulons pas y consentir, ils nous dépouillent de nos droits ; voilà au fond ce que représente le projet El Khomri , nous dépouiller de nos droits collectifs que représentent Code du travail et Conventions collectives
Voilà comment la lutte sociale redevient un combat pour la démocratie.

Voilà pourquoi le départ de Valls ne peut qu’être souhaité et obtenu, fusse avec l’adoption d’un prochain 49.3 qu’il ne manquera pas d’utiliser pour faire passer l’ignominie même contre ceux de qui il détient son mandat !

 

 

Et que vivent les Conventions collectives qui viennent de fêter leur 80ème anniversaire le 8 juin dernier !