15 Le but des négociations sur le commerce des services sera de lier le niveau autonome existant de libéralisation de chacune des Parties au plus haut niveau de libéralisation atteint dans les ALE existants, en conformité avec l’article V de l’AGCS, et s’appliquant substantiellement à tous les secteurs et à tous les modes de fourniture, tout en réalisant de nouveaux accès au marché en éliminant les obstacles d’accès au marché qui existent encore depuis longtemps, reconnaissant le caractère sensible de certains secteurs. En outre, les USA et l’UE vont inclure des engagements contraignants afin de fournir de la transparence, de l’impartialité et une procédure équitable en ce qui concerne l’octroi des licences et les exigences de qualifications et de procédures, ainsi que pour améliorer les disciplines réglementaires inclus dans les ALE actuels USA et UE.

 

Ceci va au delà de l’accord intervenu lors de la conférence ministérielle de l’OMC à Hong Kong en 2005. Ce qui est recherché, c’est la libéralisation de toutes les activités de service, qui, avec l’application de traitement national, conduit mécaniquement à leur privatisation. La santé, la sécurité sociale, l’éducation n ‘échapperont pas à ce processus. Se souvenir que l’OMC a procédé à une classification des activités de service : il y a 160 catégories regroupées en 12 secteurs. Rien n’échappe à cette classification. Et comme c’est si bien écrit, c’est le plus haut niveau de libéralisation qui est recherché.

 

16 Les parties devraient convenir d’accorder un traitement non moins favorable à l’établissement sur leur territoire de firmes, des filiales ou des succursales de l’autre Partie que le traitement accordé à leurs propres firmes, filiales ou succursales, en tenant dûment compte du caractère sensible de certains secteurs spécifiques.

 

Il s’agit là, présenté sous forme de vœu (temps employé déjà commenté) d’énoncer le principe, du traitement national laissant entendre qu’il pourrait y être dérogé dans certains secteurs. Les bonnes âmes penseront qu’il s’agit de protéger la santé, la sécurité sociale ou l’éducation. Il s’agit en fait d’une demande du secteur bancaire européen dont les filiales aux USA sont soumises aux contraintes de la loi Dodd-Franck de juillet 2010 relative à la séparation des activités bancaires et à d’autres mesures prises à la suite de la crise financière. Les lobbies financiers américains soutiennent cette demande européenne, car ils espèrent échapper à cette loi une fois celle-ci remise en cause par L’Accord suite à la demande de l’UE et de ses gouvernements relayant les attentes des banquiers européens : souvenez-vous ; mon ennemi, c’est la finance !! Et riez un bon coup même si c’est jaune !

 

17 L’Accord devrait mettre en place un cadre de travail afin de faciliter la reconnaissance mutuelle des qualifications professionnelles.

 

Les gouvernements européens ont cédé à une demande très ancienne de la Commission européenne de créer un marché du travail européen – dérégulé cela va de soi.. La reconnaissance des qualifications professionnelles dans l’espace atlantique est une voie détournée pour y parvenir, ni vu ni connu, puisque cela concernera les 28 membres de l’UE.

 

18 L’Accord n’écartera pas l’application des exceptions sur la fourniture de services qui seraient justifiées en vertu des règles pertinentes de l’OMC (articles XIV et XIVbis de l’AGCS). La Commission devrait également garantir que rien dans l’Accord n’empêche les Parties d’appliquer leurs lois, réglementations et exigences nationales concernant l’entrée et le séjour, pourvu que, ce faisant, ils n’annulent ou ne compromettent les avantages découlant de l’Accord. Les lois, règlements et exigences de l’UE et des Etats membres en matière d’emploi et de conditions de travail continueront de s’appliquer.

Cet Accord ne s’appliquera pas aux exceptions prévues à l’application de l’AGCS  confirmant en ceci une disposition existante. On pourrait penser que la suite de l’article garantirait les législations nationales ; mais ceci est tout de suite annulé par le corpus « si elles ne compromettent pas les avantages découlant de l’Accord ». En outre, dans la pratique les institutions européennes négligent de considérer ces lois nationales dans le domaine de l’emploi et des conditions de travail.

 

19 La haute qualité des services publics de l’UE devrait être préservée conformément au Traité sur le Fonctionnement de l’UE et, en particulier au protocole n° 26 sur les services d’intérêt général, en tenant compte de l’engagement de l’UE dans ce domaine, en ce compris l’AGCS.

 

Il faut se retenir de rire en lisant cet article ! Ou rire franchement à gorge déployée quant on constate jour après jour comment la Commission européenne s’emploie à démanteler les services publics, Avec le succès que l’on sait !

 

20 Les services fournis dans l’exercice de l’autorité gouvernementale tel que défini par l’article 13 de l’AGCS doivent être exclus de ces négociations.

 

Outre le fait que ces services sont exclus de l’application de l’AGCS, il est utile de rappeler qu’il ne s’agit pas de ce qu’on appelle « le service public », mais bien les fonctions régaliennes de chaque Etat de l’UE ou USA : armée, magistrature, police etc. .La santé, l’éducation ou la sécurité sociale ne sont pas protégées par cette disposition.

 

21 Les services audiovisuels ne seront pas visés par ce chapitre.

 

On verra que cette disposition est fragilisée par l’article 44. Et le Commissaire européen chargé de cette partie de négociation le confirme : « il ne s’agit pas d’une exclusion. Les services audiovisuels ne figurent pas à l’heure actuelle dans le mandat. Mais le mandat précise clairement que la Commission aura la possibilité de revenir devant le Conseil avec des directives supplémentaires pour la négociation ». Ceux qui ont suivi les négociations qui ont abouti à la création de l’OMC et à l ‘adoption de l’AGCS savent ce que cela veut dire. Il suffira à la Commission d’affirmer qu’elle est en capacité d’obtenir des USA un gros avantage dans un secteur (par exemple la création d’emplois) si elle se montre flexible sur l’audiovisuel pour qu’elle revienne devant les représentants des gouvernements et obtienne que l’audiovisuel soit intégré dans les négociations. Enfin on notera qu’il s’agit de l’audiovisuel et non de l’ensemble des services culturels ( théâtres, opéras, musées, patrimoine, bibliothèque etc.., qui, eux, tombent sous le coup de ce chapitre.

 

22 L’objectif des négociations sur l’investissement sera de négocier des dispositions visant la libéralisation et la protection des investissements, y compris les zones de compétence mixte, tels que les investissements de portefeuille, les aspects liés à la propriété et à l’expropriation, en partant des niveaux les plus élevés de libéralisation et les normes les plus élevées de protection que les deux Parties ont négociés à ce jour. Après consultation préalable avec les Etats membres et en conformité avec le traité UE, l’inclusion de mesures de protection, des investissements et du mécanisme de règlement des différends investisseur-Etat dépendra de savoir si une solution satisfaisante est atteinte, répondant aux intérêts de l’UE concernant les questions visées par le paragraphe 23. La question devra également être appréciée au regard de l’équilibre de l’ensemble de l’Accord.

Cet article introductif au chapitre concernant l’investissement annonce deux objectifs : protéger au maximum les investisseurs et leurs investissements et créer un mécanisme privé d’arbitrage permettant aux firmes d’agir contre les Etats.(ce qui équivaudrait à un tribunal arbitral tel qu’il avait été mis en place pour « solder » l’affaire TAPIE !!!)

Il est précisé q’un accord sur ces deux objectifs détaillées longuement dans l’article suivant devra faire l’objet d’une consultation particulière des Etats membres et de l’UE. Mais au final il est précisé que les Etats membres devront apprécier cet accord en tenant compte du résultat global de la négociation. Ce qui annonce un discours bien connu pour faire accepter l’inacceptable et qu’on a entendu des dizaines de fois : « ne remettez pas en cause le compromis global et équilibré intervenu par un rejet d’un des points de ce compromis ».Il est bon de rappeler que la Commission Européenne est tenue de consulter les Etats sur chaque étape de la négociation (article 207 du traité sur le fonctionnement de l’UE) – et pas seulement sur ce seul point – et que ce sont les Etats qui donneront le feu vert à la Commission pour signer le résultat final de la négociation et que celui-ci sera soumis à la ratification de chacun des Etats membres. Ce rôle décision des gouvernements des Etats fait d’ailleurs l’objet d’une note interne de la Chambre de Commerce américaine en France qui rappelle le lobbying nécessaire auprès du gouvernement français pour faire adopter le résultat final de la négociation.

 

 

Je vais m’arrêter à cet article pour ce billet.
En effet suivent les articles 23, 24 et 25, excessivement longs, et qui méritent qu’on s’y arrête car ils sont capitaux. Et la soumission des Etats de l’UE aux USA, et la soumission des gouvernements de l’UE ou des USA aux grands trusts et à la grande finance qu’organise en fait cet Accord, sautera aux yeux.

Ils sont le cœur du sujet que j’ai souligné en préliminaire dans le premier billet consacré à ce TAFTA : on nous organise, en catimini, la disparition de notre bonne vieille démocratie . Et c’est le pouvoir sur nos gouvernants du capitalisme des ces grands trusts et de la grande finance qui triomphe avec la complicité  des institutions européennes qui sont entrain d’œuvrer en ce sens, elles aussi, en catimini.

Il faut nous réveiller et demander des comptes.