Avant de passer à l’article 23 et 24, quelques nouvelles du « front ».

-         d’abord il faut constater que lors des manifestations des agriculteurs à Paris, et dans leur contestation visible de leur « chef » BEULIN, beaucoup de ces manifestants  avaient pris conscience du côté néfaste pour l’agriculture française de ce projet d’Accord,

-         une chaîne, ARTE, a consacré une émission à interroger une parlementaire européenne sur cet Accord, et sur les points qui fâchent : baisse douanière, baisse des normes et des labels, tribunal arbitral,

-         des articles assez longs sur LIBE, mais là pas de surprise, le journaliste qui interrogeait est un fervent de cet Accord et du Libéralisme à outrance (et oui, même dans Libé), et celle qu’il interrogeait, était la commissaire européenne en charge de cette négociation ; cependant, sur le point du tribunal arbitral privé, ses propos devenaient un peu, sinon beaucoup « fouillis », embarrassés,

-         ce ne sont plus 20 communes landaises qui se sont déclarées par vote, « hors territoire TAFTA » mais 28 ; la progression est fulgurante,

-         en fin de semaine dernière, une info, non rediffusée, faisait état d’une « rébellion » au niveau des institution européennes à propos du tribunal arbitral, ces personnalités (élus ?), allant jusqu’à dire que si le tribunal arbitral devait être maintenu, il n’y aurait pas d’Accord .

 

 

 

 

23 En ce qui concerne la protection de l’investissement, les dispositions respectives de l’Accord devraient avoir pour objectif de :

-         fournir le plus haut niveau possible de protection juridique et de garantie pour les investisseurs européens aux USA,

-         assurer la promotion des normes européennes de protection qui devraient accroître l’attractivité de l’Europe comme destination pour les investisseurs étrangers,

-         assurer un niveau égal d’action pour les investisseurs aux USA et dans l’UE,

-         s’appuyer sur l’expérience acquise des meilleures pratiques des Etats membres en ce qui concerne leurs accords bilatéraux d’investissement avec des pays tiers,

-         et ne devrait pas porter atteinte au droit de l’UE et des Etats membres d’adopter et de mettre en œuvre, conformément à leurs compétences respectives, les mesures nécessaires pour poursuivre des objectifs légitimes de politique publique tels que la sécurité sociale et environnementale, la stabilité du système financier, la santé publique et la sécurité, et cela d’une manière non discriminatoire. L’Accord devrait respecter les politiques de l’UE et de ses Etats membres pour la promotion et la protection de la diversité culturelle.

 

La première partie de cet article se veut rassurante : la protection juridique des investisseurs européens aux USA, promotion des normes européennes et voeu (emploi du subjonctif = devrait) que les politiques publiques européennes ne soient pas remises en cause. Mais la suite de l’article, par les contraintes imposées, rend ce vœu totalement illusoire.

 

Suite de l’article 23 :

Champ d’application : le chapitre de l’Accord relatif à la protection des investissements devrait s’adresser à un large éventail d’investisseurs et à leurs investissements, les droits de propriété intellectuelle inclus, indépendamment du fait que l’investissement soit réalisé avant ou après l’entrée en vigueur de l’Accord.
Normes de traitement : les négociations devraient viser à inclure en particulier, mais pas exclusivement, les normes de traitement et les règles suivantes :

-         traitement juste et équitable, y compris l’interdiction de mesures déraisonnables, arbitraires ou discriminatoires ,

-         traitement national,

-         traitement de la nation la plus favorisée,

-         protection contre l’expropriation directe et indirecte, y compris le droit à une indemnisation rapide, adéquate et efficace,

-         protection et sécurité entières des investisseurs et des investissements,

-         d’autres dispositions de protection efficaces, comme une « clause générale »,

-         libre transfert des fonds de capital et des paiements par les investisseurs,

-         règles concernant la subrogation.

 

Le vocabulaire employé, (outre le temps employé qui mesure encore la faiblesse des européens vis-à-vis des américains), « mesures déraisonnables » ouvre la porte à des interprétations très subjectives et arbitraires . Les contraintes cumulées du traitement national et du traitement de la nation la plus favorisée rendront impossible toute politique industrielle en vue de la transition écologique ou en faveur d’une région défavorisée ou d’un type d’ entreprise (PME), à moins de fournir aux investisseurs étrangers les mêmes aides que celles accordées aux investisseurs nationaux. Ce cumul figurait dans l’Accord multilatéral sur l’investissement (AMI) rejeté par le gouvernement Jospin en 1998 et accepté aujourd’hui par le gouvernement français de Hollande.
Les dispositions de cet article auront pour effet de soustraire au maximum les investisseurs aux exigen,ces nationales et locales en matière de temps de travail, de salaires, de salaires différés(cotisations sociales patronales), de conditions de travail, de sécurité, d’hygiène, de respect de l’environnement, de protection des sites, d’utilisation des bénéfices nets. Que restera-t-il du pouvoir de réquisition et de nationalisation ? Et les débats lancés depuis l’avènement de Hollande en matière de remise en cause en tout genre sur le contrat social du monde du travail, n’est-il pas en fait une façon sournoise de préparer notre pays à l’application de cet Accord, c’est-à-dire une mainmise du grand capitalisme et du capitalisme financier sur toutes les ressources des Etats membres de l’UE, avec le consentement des gouvernants à l’insu des citoyens.

 

Suite de l’article 23 :

Mise en œuvre : l’Accord devrait viser à inclure un mécanisme des différends investisseur-Etat, efficace et des plus modernes garantissant la transparence, l’indépendance des arbitres et ce qui est prévu par l’Accord, y compris à travers la possibilité pour les Parties d’appliquer une interprétation contraignante de l’Accord. Le règlement des différends d’Etats à Etats devrait être inclus, mais ne devrait pas empêcher le droit des investisseurs d’avoir recours à des mécanismes de règlements des différends investisseur-Etat. Il devrai fournir aux investisseurs un éventail d’arbitrage aussi large que celui actuellement disponible en vertu des accords bilatéraux d’investissement des Etats membres. Le mécanisme de règlement des différends devrait comprendre des protections contre des plaintes manifestement injustifiées ou frivoles. Dans le cadre de l’Accord, il faudrait envisager la possibilité de créer un mécanisme d’appel applicable au mécanisme de règlement des différends investisseur-Etat ainsi qu’un lien approprié entre le mécanisme de règlement des différends investisseur-Etat et les voies de recours internes.

 

En dépit de précautions et des nuances apportées dans l’énoncé de cette partie d’article, il s’agit bel et bien d’enlever au juridictions nationales leurs compétences à l’égard des investisseurs américains et de doter ces derniers du pouvoir de recourir à une instance d’arbitrage privée contraignante dans leurs actions contre les Etats et les pouvoirs locaux. Chevron pourra faire annuler l’interdiction de l’exploitation du gaz de schiste ; Philip Morris pourra faire disparaître les avertissements sanitaires sur les paquets de cigarette ; la National Riffles Association (lobby des marchands d’armes) pourra demander la suppression des limites au libre commerce des armes. Un mécanisme identique est prévu à l’article 32 pour les normes sociales et environnementales et à l’article 45 pour tous les autres aspects de l’Accord. Cette disposition, déjà présente dans l’AMI, constituait la principale raison de son rejet en 1998 par la France.

 

Suite et fin de l’article 23 :

Rapport avec les autres parties de l’Accord : les dispositions de protection des investissements ne devraient pas être liés aux engagements d’accès au marché de l’investissement pris par ailleurs dans l’Accord. Le mécanisme de règlement des différends investisseur-Etat ne s’appliquera pas aux dispositions d’accès au marché. Ces engagements d’accès au marché peuvent inclure, si nécessaire, des règles interdisant des exigences de performance.
Toutes les autorités et entités infra nationales (comme les Etats ou municipalités) devraient se conformer efficacement aux dispositions du chapitre de protection des investissements du présent Accord.

 

Affirmer qu’un mécanisme de règlement des différends   ne s’appliquera pas à l’accès au marché est une supercherie, puisque les articles 32 et 45 prévoient eux aussi un tel mécanisme. On trouve à la fin de cet article la mention que les dispositions de cet article s’appliqueront à toutes les autorités publiques, de l’Etat à la Commune, en passant par les syndicats (eau assainissement notamment). C’est le rappel, appliqué au cas  particulier de l’investissement, d’une disposition applicable à l’entièreté de l’Accord.

 

Marchés publics

 

24 L’Accord devra viser à compléter avec la plus grande ambition, en complément du résultat des négociations sur l’Accord sur les marchés publics, en ce qui concerne la couverture (les entités de passation des marchés publics, les secteurs, les seuils et les contrats de services, en ce compris en particulier dans la construction publique). L’Accord visera à accroître l’accès mutuel au marchés publics à tous les niveaux administratifs (national, régional , local), et dans le secteur des services publics couvrant les opérations pertinentes d’entreprises opérant dans ce domaine et assurant un traitement non moins favorable que celui accordé aux fournisseurs établis localement. L’Accord dot également  inclure des règles et disciplines pour surmonter les obstacles ayant un impact négatif sur les marchés publics de chacun, y compris les exigences de production locale, en particulier les dispositions de la loi américaine « Acheter américain3 et celle qui s’appliquent aux procédures de recours et aux exclusions existantes, y compris pour les petites et moyennes entreprises, en vue d’accroître l’accès au marché, et chaque fos que c’est approprié, de rationaliser, de simplifier et d’améliorer la transparence des procédures.

 

Le vocabulaire employé, celui de l’OMC, doit être expliqué ; par « disciplines », il faut entendre des réglementations nationales ou locales qui sont considérées comme des obstacles aux marchés publics parce qu’elles sont « plus rigoureuses que nécessaires » et constituent une restriction aux marchés publics ; par « transparence » on entend l’obligation de fournir à tous les acteurs privés les législations/réglementations en vigueur et, par la suite, celles en préparation qui seront soumises à l’appréciation en fonction des objectifs de l’Accord (voir commentaire article 40). On le voit, l’objectif est de donner accès aux entreprises américaines en Europe( et européennes aux USA , mais le nombre et la taille ne sont pas les mêmes – rappelons que par idéologie la Commission Européenne s’est opposée à la constitution des géants européens) à tous les marchés publics à tous les niveaux, sans la moindre restriction.

Des questions s’imposent. D’abord les législations du travail, des droits syndicaux, les niveaux des salaires, les exigences environnementales feront-ils partie des « obstacles plus rigoureux que nécessaires » ? Et ensuite , les USA vont-ils renoncer aux marchés réservés (25% des marchés publics sont réservés aux PME américaines) et aux préférences nationales comme par exemple la législation BUY Américain explicitement citée dans l’Accord ? La Constitution américaine ne va-t-elle pas permettre aux 50 Etats des USA de se soustraire aux obligations de l’Accord alors que les 28 Etats européens y seront soumis de facto sans exception ? Autre question, capitale, l’obligation de « transparence » qui est faite de communiquer les législations/réglementation en préparation soumises à appréciation au regard du cadre de l’Accord n’est-ce pas impliquer dores et déjà que le législateur ne sera plus l’élu national ou local, mais les firmes les plus puissantes ? Ces questions servent à souligner qu’on se trouve bien en présence de dossiers où les USA n’ont pas l’habitude de céder. Que vaut un engagement des USA quand on voit que l’accord de libre échange USA-COREE du Sud ouvertement bafoué par l’Administration USA actuelle (conflit SAMSUNG-APPLE) ?