Pour cause de convalescence, je n’aurai pas marché aujourd’hui, mais le cœur y était et y est !

 

Voici donc tout de même ma contribution à cette journée syndicale de contestation des ordonnances.

Vous vous souvenez sans doute du mot que j’ai souvent employé à propos de la nature même de Macron : la duplicité. La mise en pratique qu’il a faite de ces contacts avec les syndicats est une parfaite illustration ; d’ailleurs comment des syndicats ont-ils pu à ce point se laisser berner et n’ont pas vu clairement cette duplicité ; exemple en toute dernière ligne droite « jupiter » s’est comporté comme pour le traité TAFTA en cours : le secret total demandé, y compris vers les adhérents, pas de remise de texte avant l’heure, pas de possibilité de parler à la presse ; c’est ça la « démocratie d’en marche ».

 

Vous savez déjà que ces textes vont bouleverser la hiérarchie des normes : plus aucun salarié ne sera égal devant une situation donnée. En fait le contenu de ces textes mettent à bas 150 ans de progrès social et bouleversent notre société française comme jamais personne ne s’y est essayé. Les salariés deviennent pieds et poings liés devant chacun de leurs employeurs. Chaque entreprise va pouvoir faire « son » code du travail. Les prud’hommes ne vont plus servir à rien.

RESUME

-          Hormis 11 thèmes listés par les ordonnances toutes les règles deviennent par défaut dérogeables à l’échelle de l’entreprise, para accord collectif : 13° mois, boni des heures supp de nuit. Le ministre lui-même reconnaît « nous allons découvrir au fur et à mesure les marges de manœuvre et la liberté de chacune des entreprise » : c’est donc une ère d’instabilité juridique formidable qui s’ouvre. Qui dit instabilité juridique dit plus de justice et d’égalité possible.

-          Jusqu’à maintenant les différentes modifications introduites depuis 2000 ont créé une mille-feuille législative qu’il faut pouvoir suivre. De plus, sur ces 11 thèmes, des accords d’entreprises peuvent y déroger par des conventions qui « assurent des garanties au moins équivalentes ». Qui en décidera ? Et ceci signifie qu’est finie le temps où prévalent les accords d’entreprises plus favorables que les accords de branche.

-          Qui disait accords de branche ou d’entreprise, disait présence syndicale, avec des salariés syndiqués formés à la négociation et au droit du travail, y compris dans les petites entreprises. C’en est fini, l’entreprise peut se passer des syndicats en dessous des entreprises de 50 salariés, et encore plus en dessous de 20 salariés ; sans compter son droit à organiser le référendum. De plus, les accords collectifs d’entreprise quels qu’ils soient, s’imposent au salarié qui sera licencié s’il les refuse, mais encore, ils ne peuvent être attaqués que dans les 2 mois suivant leur signature, au-delà ils deviennent inattaquables, même s’ils contreviennent à l’ordre public (égalité homme femme/ discrimination, etc..) ; alors que d’une façon générale, dans les autres droits français, commercial, droit privé, les accords peuvent être attaqués pendant 5 ans ! Ce qui prime de plus pour le contenu de ces accords qui aboutiraient à la diminution des droits acquis précédemment, ce ne sont plus les difficultés économiques, mais « les nécessités de service ». Plus rien désormais ne protégera le salarié contre l’arbitraire du patron qui restera seul juge « de ces nécessités de services ».

-          La potion devait s’appuyer « sur la nécessité de favoriser le dialogue social » ; on voit ce qu’il en est effectivement. Mais ajoutons que le droit syndical tel qu’il avait été conquis est attaqué de toutes les façons : regroupement des fonctions de délégués du personnel, des délégués du Comité d’entreprise dues délégués du CHSCT, mais aussi diminution des heures de délégation, remise en cause de la nécessité du représentant syndical ou délégué syndical et de leur rôle. Enfin jusqu’à maintenant les expertises décidées par la représentation des salariés devaient être financées par l’employeur. Ceci est remis en cause, puisque 20% des coûts devront être pris en charge par la représentation des salariés. C’est une attaque très importante aux moyens de la défense des droits des salariés, notamment, de leur emploi ou de leur sécurité dans le cas de licenciements économiques ou d’accident de travail ou de trajet. C’est donc moins le triomphe du dialogue social que du dumping social. En fait de dialogue social est en fait remplacé par le terme de négociation collective, qui fait plus penser à un échange d’arguments entre personnes bien élevées autour d’une table, niant la violence des relations de travail et disqualifiant un aspect essentiel du syndicalisme : la construction d’un rapport de force par la mobilisation collective des salariés afin de conquérir de nouveaux droits ou de faire reconnaître leurs droits les plus essentiels.

-          Dans la droite ligne de ce qui précède, les prud’hommes sont dévalorisés et désarmés, et cette fois-ci la dose est sévère. En s’attaquant au plafonnement des indemnités de dommages et intérêts (un salarié ayant 2 ans d’ancienneté licencié illégalement, va voir sa possibilité d’indemnisation divisée par 3 -2 mois de salaire au plus contre 6 mois de salaire minimum- la procédure est à nouveau modifiée pour rendre pratiquement inopérantes les possibilités de leur saisine. En effet, les principaux motifs actuels de contentieux en justice sont rendus inopérants. (Salaire, procédure de licenciement, cause de licenciement etc..)

En conclusion, les ordonnances organisent pour les patrons, leur rêve, avoir devant eux des salariés pour lesquels il n’y a plus ni de possibilité de recours, ni de possibilité de pouvoir négocier quoique ce soit : sur un de mes précédents billets j’affirmais que l’on revenait aux années du début du 19° siècle ; c’est exactement cette mesure là que contiennent ces ordonnances.

 

Maintenant il nous reste de savoir si nous allons courber la tête, si nous allons accepter de nous faire insulter, si nous allons accepter cette » pauvrophobie » de la part de cette clique dont la gageure qu’elle semble s’être fixée c’est de se prouver qu’elle va nous faire passer sur l’échafaud !