ORDONNANCE 1

Relative au renforcement de la négociation collective ou relative au renforcement du pouvoir de l’employeur ?

 

Titre 1 : chapitres 1 et 2

Le rapport LOI/ACCORD DE BRANCHE/ACCORD D’ENTREPRISE

 

« De nouvelles compétences pour les branches professionnelles permettent d’assurer davantage d’équité entre salariés ‘un même secteur » telle est l’ambition affichée par le gouvernement sur ce point.

FAUX : loin de réguler la concurrence et de protéger les salariés d’un même secteur d’activité, ce qui était initialement la finalité de la négociation de branche, le système mis en place favorisera encore les grandes entreprises et ne pourra conduire qu’au développement d’un dumping social généralisé.

 

Pendant longtemps le droit du travail français était soumis à une hiérarchisation des normes fondée sur le principe de faveur. Ainsi l’accord d’entreprise ne pouvait être que plus favorable au salarié que l’accord de branche, lequel ne pouvait être que plus favorable que la loi. En cs de « concurrence » entre plusieurs textes relevant du même champ d’application, était appliquée la norme la plus favorable.

Ce principe de faveur a été affaibli au fils des temps, étape par étape, avec l’introduction progressive des accords dérogatoires.

Dans un premier temps, seuls les accords de branche pouvaient déroger défavorablement à la loi et ce, uniquement si celle-ci le prévoyait. Puis, il a été rendu possible dans certains domaines limités que l’accord d’entreprise puisse déroger à l’accord de branche, si celui-ci le prévoyait. Puis il a été admis, dans certains domaines, que l’accord d’entreprise puisse déroger à l’accord de branche si celui-ci ne l’interdisait pas (c’est ce qui a été communément appelé « l’inversion de la hiérarchie des normes »

La loi du 8 août 2016(El Khomri) a établi en matière de durée du travail et congés, un système en trois blocs : ordre public/champ de la négociation collective/dispositions supplétives (normes applicables en l’absence d’accord collectif). Cette loi donnait également déjà la primauté aux accords d’entreprise sur les accords de branche puisque dans de nombreux textes, dans la partie relative au champ de la négociation collective, était indiqué : « une convention ou un accord d’entreprise ou, à défaut, une convention ou un accord de branche détermine. »

Elle organisait la répartition entre négociation de branche et négociation d’entreprise de la manière suivante :

. Dans 6 thèmes énumérés par la loi, la branche définissait les garanties applicables aux salariés relevant de son champ d’application

. Dans tous les autres domaines, la branche pouvait définir les thèmes sur lesquels les accords d’entreprise ne peuvent être moins favorables que l’accord de branche, sauf lorsque la loi prévoit expressément la primauté de l’accord d’entreprise (c-à-d les domaines relatifs à la durée du travail et congés prévus comme tels comme évoqué plus haut).

 

En synthèse, les partenaires sociaux de la branche déterminaient librement les domaines où ils souhaitaient bloquer la négociation d’entreprise.

L’ordonnance de Macron bouscule cette liberté des partenaires sociaux et va plus loin pour donner encore plus de liberté à chaque employeur.

L’ordonnance détermine :

. Les 6 thèmes dans lesquels l’accord d’entreprise ne peut être moins favorable que l’accord de branche sont portés à 11, mais en réalité, en énumérant ces thèmes :

-          Le gouvernement ouvre à la branche la possibilité de modifier des règles qui auparavant relevaient strictement du domaine législatif : pour la première fois, la négociation collective (de branche) permettra par exemple de modifier la durée ou le nombre de renouvellement des contrats à durée déterminée ou pourra autoriser l’employeur à recourir au contrat de chantier. C’est donc plus le rapport entre accord de branche et loi qui est modifié ici et non le rapport entre accord de branche et accord d’entreprise.

-          De plus, la négociation sur la pénibilité ne figure plus dans ces thèmes où l’accord de branche constitue nécessairement un socle auquel l’accord d’entreprise ne peut déroger dans un sens moins favorable..

-          Pire, l’ordonnance permet tout de même à l’accord d’entreprise de déroger dans les 11 domaines à l’accord de branche, à condition qu’il assure « des garanties au moins équivalentes », mais il n’est pas précisé non plus si cette condition sera appréciée avantage par avantage ou globalement au regard de l’accord considéré.

. Les thèmes sur lesquels l’accord de branche peut limiter la possibilité de déroger dans un sens moins favorable (on parle de claques de verrouillage) sont désormais limités à 4 (dont la pénibilité..) alors qu’auparavant, la branche pouvait librement en décider.

.Dans tous les autres domaines donc, désormais, l’accord d’entreprise primera sur l’accord de branche et sur la loi, sauf dispositions d’ordre public, par exemple les primes, -ancienneté, 13ème mois- les indemnités de licenciement seront non plus légales ou conventionnelles mais relèveront de l’accord d’entreprise..

 

A noter de plus que les clauses de verrouillage déjà prévues dans les accords antérieurs devront pour perdurer être confirmés avant le er janvier 2019 et à défaut cesseront d’être applicables et ce, y compris pour les accords de branches conclus avant la loi de 2004, qui étaient automatiquement « verrouillés » jusqu’à ces ordonnances.

 

Il est fort à craindre que, dans les faits, la partie patronale s’oppose à cette confirmation puisque les organisations syndicales n’ont rien à donner « en[LA1]  échange » contrairement à ce qui s’était passé au moment de la négociation d’origine.

En clair, L’ordonnance vise à permettre aux accords d’entreprise de déroger, dans presque tous les domaines, à la loi at aux accord de branche.

Ceci est d’autant plus grave que les conditions de négociation et de validité des accords (cf commentaires à venir sur le titre II chapitre 1 de l’ordonnance) et les conditions de contestation des accords renforcent le pouvoir et sécurisent grandement l’employeur, que, par ailleurs, les conditions d’accés des salariés à l’information -indispensable pour permettre des négociations loyales – et les pouvoirs des représentants du personnel sont affaiblis (cf commentaires sur l’ordonnance 2 à venir)  et enfin que les effets de l’accord d’entreprise sur le contrat de travail privé le salarié de tout pouvoir d’y résister individuellement (cf premier article paru).

 

Ainsi tout et fait pour que l’employeur puisse obtenir par lé « négociation » ce qu’il ne peut décider unilatéralement, les salariés étant privés de tout moyen, de tout levier et de tout recours et ne disposant même plus dans la plupart des domaines du plancher de la loi ou de l’accord de branche pour défendre leurs droits.


Loin de réguler la concurrence et de protéger les salariés d’un même secteur d’activité, ce qui était initialement la finalité de la négociation de branche, le système mis en place favorisera les grandes entreprises et ne pourra conduire qu’au développement d’un dumping social organisé.

 

MESURES TRANSITOIRES :

-          Clauses de verrouillage des conventions de branche : dans les nouvelles matières où kl branche peut interdire aux accords d’entreprise conclus postérieurement de déroger dans un sens moins favorable (prévention des risques professionnels, emploi des travailleurs handicapés, etc..), si la branche a, avant la publication de l’ordonnance, déjà verrouillé certaines matières, elle devra confirmer ce verrouillage avant le1er janvier 2019.

 

-          Matières où l’accord d’entreprise prévaut toujours sur l’accord de branche sans possibilité de verrouillage (article nouveau) : peu importe les dates de conclusion de l’accord d’entreprise et de l’accord de branche : les clauses de l’accord d’entreprise ayant le même objet que celles de la branche priment dès la parution de l’ordonnance.


 [LA1]«  contrairement à ce qui s’était passé au moment de la négociation de l’accord d’origine.

 

En clair l’ordonnance vise à permettre aux accord d’entreprise de déroger, dans presuq tous les domaines, à la loi et à